mercredi 20 août 2014

Le Gros chêne

À la lisière du bois du Râteau, un chêne remarquable, plus que centenaire, marque le croisement de plusieurs chemins forestiers. Repère des promeneurs, des chasseurs et des cueilleurs de champignons, le «gros chêne» est l'un des plus beaux arbres des bois et forêts qui ceinturent le village d'Heyret. Avec son houppier massif composé de grosses branches, il veille sur ce coin de forêt creusoise composé de châtaigniers, hêtres et bouleaux. À son pied, le houx, vert en tout temps, prolifère...

J'aime à penser que ce témoin d'un temps révolu veille aussi sur le village et ses habitants...




À quelques pas du « gros chêne », se trouve aussi la mystérieuse fontaine à l’Hermite, aujourd'hui ensevelie sous la broussaille (dans la région, une fontaine n'est autre qu'une simple source). Encore plus loin, à plusieurs lieues à l'ouest du village, il y aurait, dit-on, un autre arbre remarquable (probablement un chêne), qui servait de point de rassemblement aux Maçons de la Creuse, avant leur migration saisonnière. Jusqu'au début du 20e siècle, à chaque printemps, de nombreux Creusois quittaient leurs terres rudes pour aller travailler comme maçons ou gouyats et construire les grandes villes de France comme Paris ou Lyon. Prolétarisés, ces paysans-maçons limousins participeront massivement à la Commune de Paris en 1871. Histoires à suivre... l'année prochaine!

dimanche 10 août 2014

Il était autrefois un village creusois : Heyret

Situé à 3,5 km du bourg de Chéniers, le village d'Heyret comptait en 1892 110 habitants*. C'était à cette époque le plus gros village de la commune.

 Le village d'Heyret depuis la route de Chéniers, de nos jours

À 200 m de l'entrée du village, à l'embranchement de la route d'Heyredet, il y avait une mare bordée de tilleuls plus que centenaires. Dans cette mare, s'ébattaient toute la journée des oies et des canards, qui à la nuit tombée, appelés par les fermières, rentraient dans leurs enclos. Cette place des tilleuls était un lieu de rencontre privilégié par les villageois. De nombreux rassemblements festifs y étaient organisés. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, et pendant plusieurs années, le 14 juillet y était fêté joyeusement : un mât de cocagne sur la place, un terrain de jeux dans un pré voisin (courses à l'âne, courses au sac, …) et dans la traversée du village, de nombreux stands installés par des forains (chamboule tout, tirs, …), un parquet de danse et l'inévitable buvette. Cette fête attirait chaque année plusieurs centaines de personnes. Dans les années 60, la mare a été asséchée puis remblayée pour des raisons d'assainissement et l'un des tilleuls a été abattu en 2011 pour faciliter la circulation des engins agricoles de grande longueur. La place des tilleuls, c'est maintenant un espace en herbe où a été installé un abri pour les transports scolaires.

La place des tilleuls à l'été 2009 (avant l'abattage du tilleul)

Au centre du village, le « château » avec sa tour en briques apparentes est une belle demeure bourgeoise construite en 1871. À proximité, il y a la fontaine Claire construite en 1883, don des propriétaires de l'époque au village; c'est à cet endroit que les femmes venaient puiser l'eau pour les besoins des ménages. Le grand abreuvoir permettait aux troupeaux de venir s’abreuver au retour des champs matin et soir.

Le «château», la fontaine Claire et l'abreuvoir au cœur du village de Heyret



 En 1953, la construction d'un lavoir a évité aux villageoises de se rendre au pont d'Heyret pour effectuer leur lessive. À la sortie du village, une petite pièce d'eau envahie de nénuphars servait de réservoir en cas d'incendie.

Le réservoir d'eau envahi par les nénuphars

Dans les années 50, le village comptait encore une soixantaine d'habitants et les activités y étaient encore nombreuses. Une douzaine de fermiers environ y pratiquaient l'élevage de bovins et la culture de céréales. Chacun d’entre eux possédait quatre à six vaches et un cheval, voire des ânes, pour la traction animale (le premier tracteur est apparu en 1962). À cette époque et bien avant encore, les troupeaux étaient conduits au champ et gardés sur place par les aînés et les enfants. Le soir, au retour des travaux des champs, il y avait la traite des vaches. Après les moissons, les céréales (blé, avoine, seigle) entreposées dans les granges étaient confiées à une entreprise de battage itinérante de ferme en ferme. Le blé, écrasé au moulin, permettait de faire le pain (chaque maison possédait sa boulangerie) et, avec le son, mélangé avec des pommes de terre, de nourrir les cochons. Les produits de la ferme constituaient l’essentiel de la nourriture. Chaque année dans les fermes, on abattait un cochon qui, transformé, devenait pâté, grillons, saindoux, viandes et jambons. La volaille quant à elle agrémentait les repas de fête. Dans les années 40/50, les œufs étaient échangés avec l'épicier itinérant contre de l'huile, du café et du chocolat.

Une boulangerie et son four à pain à Heyret (chemineau)

Au début du XXe siècle, la vie des paysans était laborieuse avec des revenus faibles qui permettaient toutefois de vivre chichement, d'élever les enfants avec bonheur et de garder les aînés dans les familles jusqu'à leur dernier souffle. Jusqu'en 1970/1980, voire un peu plus tard, les activités au village étaient nombreuses :
 - une épicerie buvette, téléphone public,
 - un marchand ambulant de linges de maison et de vêtements,
 - un forgeron maréchal-ferrant chez qui les cultivateurs se rendaient pour forger les socs des charrues et ferrer les chevaux. Les bœufs et les vaches qui travaillaient dans les champs étaient immobilisés dans le trémail par d'énormes sangles pour permettre l'ajustement et le clouage des fers sur les sabots.
 - une couturière,
 - un sabotier,
 - un menuisier charron qui fabriquait carrioles, tombereaux et même les cercueils,
 - plus tard, une scierie débitait chênes et châtaigniers pour fabriquer des douelles qui étaient expédiées dans les régions viticoles pour la fabrication des tonneaux,
 - un pressoir où chaque année à l'automne les paysans apportaient des pommes et des poires récoltées pour faire du cidre, boisson privilégiée à cette époque. Le marc quant à lui était conservé et distillé dans un alambic.

Le travail à ferrer, ou trémail, servait à maintenir les bœufs lors du ferrage. La forge d’Heyret est arrêtée depuis plus de 40 ans, mais la présence du travail à ferrer faisait partie de la mémoire collective du village. Début septembre 2005, le trémail d’Heyret a été donné par les propriétaires de l’époque à la Tuilerie de Pouligny pour y être exposé.

Aujourd'hui par rapport à cette époque le village est tombé dans une profonde léthargie. Le nombre d'habitants a sensiblement diminué, 30 personnes environ et deux agriculteurs dont l'activité essentielle est l'élevage de vaches charolaises et limousines.

Jacques Peyronnet

Référence :
 * Valadeau P., 1892. Nouveau dictionnaire historique, géographique et statistique de la Creuse, Les Éditions de la Tour G.I.L.E., réédition de l'ouvrage de 1892, 1989

(Article publié dans le Journal de la Commune de Chéniers, Juillet 2014, p. 33-35)

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